Rendez-vous dans un endroit insolite [P.V: Eric]

Le soleil pointait le bout de son nez à l'horizon quand Éric passa les battants des portes d'Edola. Sa blessure à l'épaule saignait abondamment. Son museau devait être cassé et ses pattes lui faisait souffrir le martyr. Il espérait que personne ne s'était rendu compte de son absence nocturne. En premier lieu, il devait se nettoyer. Ses poils étaient couverts d'un mélange de sang séché et de sable. Tout en boitillant, il traversa un dédale de couloir, monta péniblement les escaliers avant de pénétrer dans les douches pour hommes. La douleur fit alors momentanément place à la surprise. Wayän lui faisait place vêtue seulement d'une courte serviette. Elle détourna aussitôt le regard, très embarrassé. Ne sachant pas comment réagir, Éric reprit forme humaine avant de dire.

-Eh bien, excuse moi, mais je ne m'attendais pas à trouver quelqu'un à cette heure-ci.

Il cracha un caillot de sang sur le sol blanc et vacilla légèrement, prit d'un léger malaise. Il se ressaisit et s'aperçut que Wayän fixait sa ceinture. Plus précisément son Beretta 92 couvert de sang...de son sang. Il vacilla de nouveau et s'écroula sur le sol. Il avait perdu beaucoup de sang. Il tenta péniblement de se relever.

-Je crois...que je vais attendre dehors.

-Eh bien, excuse moi, mais je ne m'attendais pas à trouver quelqu'un à cette heure-ci.

Le loup avait repris forme humaine, il était dans un état sanglant.
Wayän perçu l'arme et l'odeur de poudre, qui signifiait qu'elle avait servi il n'y a pas si longtemps. Il tremblait légèrement, ainsi que sa voix douloureuse. Puis en voulant faire un pat il s'effondra au sol.
Il tenta de se remettre debout, mais sans y arriver. L'hémoglobine jaillissait de ses multiple blessures.

-Je crois...que je vais attendre dehors.

S'en était presque de l'humour.
La féline s'approcha passa un des bras du blessé, le moins abîmé, par-dessus son épaule pour l'appuyer contre un mur. En se rapprochant de lui elle décela une odeur très familière.Les effluves de sang était trop importante pour qu'elle puisse en trouver l'origine.
Elle partit quelques secondes en prenant la serviette normalement utilisé comme essuie-mains, elle prit une bassine qui traînait dans un casier et l'a remplie d'eau tiède.
Comment s'était-il fait toutes ces blessures et où avait-il eu besoin de son arme ?

Elle revint et lui passa la serviette humide sur le visage. Ses yeux s'écarquillèrent, elle balbutia quelques mots :

-Que...Qu'est-ce que tu faisais là-bas...avec....avec Noctis ?

Lui aussi c'était trouvé à Alice-Spring, lui aussi avait goûté au sang. Elle pensait à Lucielum surement mort sur le champ de bataille, au jeune homme qui en était revenue souillé par le sang et maintenant Eric englué dans son propre liquide poisseux.
Elle se relava une nouvelle fois, après avoir épongé tout ce corps endolori et passa un appel, avec son portable qui se trouvait dans sa trousse. Elle demanda à son interlocutrice de ramener le nécessaire médicale au douche des hommes.

Elle prit ensuite ses affaires en allant dans une cabine, elle n'allait pas rester toutes la nuit, bientôt la matinée, en serviette.

Le sang s'écoulait abondamment des blessures d'Éric qui sentait sa fin imminente. Appuyé contre les murs blancs souillés d'hémoglobines, il respirait de plus en plus faiblement. Des gouttes de sueur perlées de son front. Des ondes de douleurs se propageaient dans tout son corps meurtri. Il ne voulait pas mourir. Pas tout de suite. Il avait encore tellement de chose à découvrir et à faire. Le monde était si vaste et lui si misérable.

Qui se irait pleurer sur sa tombe lorsqu'il ne serait plus. Les habitants d'Edola ? Ils ne le connaissaient pas encore assez pour porter le deuil. Son frère alors ? Peu probable. Il était sans doutes trop occupé à servir sa "secte". Tandis que le sang, précieux liquide vitale, le quittait, il sentait la vie le quittait avec lui.

Et pour une fois depuis très longtemps, il eut peur. Peur de la mort. Il l'avait souvent côtoyer ses dernières années et même frôlé de près mais jamais il n'aurait pensé la rejoindre aussitôt. La mort avait gagné. Eric tenta une nouvelle fois de se lever mais il s'effondra sur le sol. Il ne sentait plus ses jambes. D'ailleurs, il ne sentait plus grand chose.

Wayän ressorti de sa cabine précipitamment lorsqu'elle entendit un bruit de chut. Eric avait essayé de se relever mais n'y était parvenu.
Une odeur macabre se rependait dans l'air. La féline ne pouvait laisser une autre personne lui échapper, elle ne pouvait pas laisser partir Eric avec la fossoyeuse.

Elle s'assit près de lui, appuyé sur le mur. Elle le sentait perdre connaissance.
Pour le rassurer et surtout pour se rassurer elle-même et elle lui prit la main en la lui serrant et déclara d'un ton tremblant :

- Le médecin va bientôt arriver. Il soignera tes blessures et tu pourras à nouveau cavaler et jurer sur les hommes. Tu vas résister encore un peu, il ne devrait plus tarder.
Elle continuait de parler pour le garder éveillé, s'il fermait les yeux se serait peut-être définitif. Alors, elle continuait.

Si tu pars qui pourra convaincre que l'homme est inférieur à nous ? Et puis je ne connais personne à qui donner ton urne, je serais obligé de la garder et de parler tous les jours au petit chat-garous comme le ferais un membre de ta famille je suppose.
Je haïrais peut-être encore plus les humains. Ils ont tout d'abord enlevé Yuki une petite fée qui n'avait jamais fait de mal à personne. Puis tué Noctis qui venait à peine de trouver le calme et l'amour. Et puis toi. Il est hors de question que tu laisses le refuge, la maison, ainsi.

Elle reprit la serviette à côté d'elle et se plaça à genoux devant Eric. Elle épongea le sang qui coulait et qui ne voulait se stopper. Elle pressa ses plaies, mais il paraissait s'enfuir.
De l'eau provenant de ses yeux turquoises tombait sur le sol rouge écarlate. Elle s'essuya d'une revers de manche et déclara en se forçant à sourire, chose qu'elle n'avait jamais fait auparavant.

- Mais je te raconte toutes ses bêtises, mais de toute façon je n'ai rien à craindre, puisque demain tu te réveilleras et tout cela ne sera qu'un mauvais souvenir, N'est-ce pas ?

Sa voix baissa, un chuchotement de tristesse alla se poser sur les oreilles du jeune mourant :

- N'est-ce pas....

Éric était très touché par la tristesse de Wayän à son égard. Elle lui avait semblé extrêmement réservée mais il la découvrait sous un autre jour. Son agonie avait réussie à percer la carapace dont elle s'était entourée. Le désarrois manifeste de la féline le fit, contre toute attente, sourire.

Écoute...je ne pense pas qu'il y aura de lendemain pour moi. J'ai souvent côtoyé la mort et maintenant elle vient chercher son dû. C'est comme ça, on n'y peut rien.

Une mare de sang l'entourait maintenant. Il plongea ses yeux dans ceux humides de Wayän et reprit d'une voix faible.

Sèche tes larmes, je n'en vaut pas la peine. Oublie moi et protège Edola. Les Hunters ne sont pas les seuls à comploter dans l'ombre. Un menace encore plus grande guette Edola et ses habitants. Une guerre se prépare. La paix n'existe pas et n'existera jamais. Pour ce qui est de l'urne, donne la à mon frère si un jour il passa à Edola. Tu le reconnaitra facilement.

La douleur s'atténua jusqu'à disparaître. Éric respirait plus lentement. Sa vue commençait à se brouiller. Ses oreilles ne percevaient plus le moindre son. Et pour un fois depuis très longtemps, il se sentait bien, comme reposé.

Je crois que le moment est venue de nous dire adieu. Bonne chance.

Il songea alors à Noctis.

"Je t'avais promis que nous nous retrouverions en enfer."

Il sentit la mort l'enlacer et le happer vers l'éternelle obscurité. Ses paupières se fermèrent lentement. Sa respiration s'éteignit. Son cœur s'arrêta. Mais son visage, lui, exprimait un profond bonheur, comme une délivrance. Allez savoir pourquoi.